III. LA FLORE RARE ET MENACEE

III. LA FLORE RARE ET MENACEE (octobre 2015)

•LES ESPECES RARES

 La notion de rareté est complexe car plusieurs facteurs sont à considérer, et il est parfois difficile aujourd’hui de définir avec certitude les facteurs en cause.

Nombre d’espèces sont rares dans l’île de nos jours (peu de populations qui comptent chacune peu d’individus capables de se reproduire), simplement parce que leurs populations ont été décimées ou que leurs écosystèmes originels ont été détruits par le passé. Cela a été le cas de la forêt mésophile, qui couvrait la plus grande partie de  la basse région de l’île et qui a été la première éliminée pour faire place aux cultures de la société d’habitations (Les espaces naturels).    Les stations  résiduelles  de ce type forestier, à des stades avancés de la dynamique, sont de nos jours rarissimes tout comme les espèces qui en sont caractéristiques.     Exemples :    Sideroxylon foetidissimum Jacq. SAPOTACEAE «Acomat franc», surexploité pour son bois considéré comme le meilleur pour la construction car presque  imputrescible  – Manilkara bidentata   (A. DC.) A. Chev. SAPOTACEAE  «Balata» prépondérant dans ces   forêts jusqu’au littoral, mais lui aussi surexploité pour la construction et l’ébénisterie – Sapindus saponaria L. SAPINDACEAE «Savonette», fréquent à l’époque des Amérindiens (qui l’utilisaient couramment  pour se laver les cheveux), surtout en bordure de rivière, et dont les populations sont fortement réduites aujourd’hui à cause des défrichements.

 

Certaines espèces sont strictement inféodées à des conditions écologiques ou à des stades dynamiques très précis, qui sont eux-mêmes peu fréquents sur l’île,  compte tenu de son exiguïté  et de son anthropisation.  Leurs populations trouvent donc très peu de milieux d’accueil.   Exemple : Guaiacum officinale L. ZYGOPHYLLACEAE «Gaïac»  qui préfère les forêts des zones les plus sèches et les sols calcaires. Ces derniers ne représentent que 3% de la surface de l’île, et la surexploitation pour la fabrication de pièces mécaniques a ruiné très tôt les populations martiniquaises. Mais cet arbre est commun ailleurs dans la Caraïbe et en Amérique tropicale.

L’aire de dispersion naturelle des espèces endémiques est, par définition, restreinte à un territoire défini : cette endémicité leur confère une certaine rareté et une haute valeur patrimoniale, surtout pour les espèces endémiques de Martinique, qui n’existent naturellement nulle part ailleurs au monde. Exemple : Arthrostylidium obtusatum Pilger  POACEAE «Calumet-montagne», confiné à quelques sommets des Pitons du Carbet.

Quelques espèces ont des stratégies de reproduction caractérisées par un nombre naturellement très faible de régénérations : bien que les conditions du milieu et le stade dynamique soient propices à leur développement, seuls quelques individus deviennent des adultes matures, même sur de grandes surfaces. Meliosma herbertii Rolfe SABIACEAE «Bois de 7 ans», grand arbre des forêts hygrophiles qui ne fleurit que tous les sept  ans et dont le bois était utilisé jadis en marqueterie, peut être classé dans cette catégorie.

 

•LES ESPÈCES MENACÉES 

La flore riche, originale et précieuse de la Martinique est aujourd’hui fortement menacée : en premier par la destruction des milieux naturels dans lesquels elle évolue ainsi que par les prélèvements excessifs ; en second par la proportion sans cesse croissante des espèces allochtones (exogènes) introduites.

 

Les espèces exogènes (envahissantes) – Les introductions de végétaux à la Martinique, volontaires ou non, sont difficiles à contrôler.  Les estimations actuelles portent au minimum à 1 350 le nombre de phanérogames introduites  (pour environ 1 220 plantes autochtones). De nombreuses plantes introduites se sont naturalisées et certaines présentent un risque de devenir des espèces envahissantes.

 

La destruction des milieux naturels

Les catastrophes naturelles les plus actives sont les ouragans et les éruptions volcaniques. Ces catastrophes naturelles font partie du fonctionnement physique et biologique de la Martinique : la végétation de l’île s’est construite et a évolué avec ces contraintes. Dans le cas d’un ouragan, les forêts résistent d’autant mieux aux vents violents et aux pluies torrentielles qu’elles sont proches de leur état originel : par la suite elles se restaurent plus rapidement et offrent moins de possibilités d’installation aux espèces exogènes envahissantes. Les milieux naturels peu modifiés sont donc des trésors fragiles, à préserver au maximum de toute dégradation.

Les plus grandes destructions de la végétation ainsi que les plus fortes menaces sont d’origine anthropique. L’impact de l’occupation amérindienne sur le patrimoine végétal de l’île fut limité, mais à partir de la colonisation de 1635, les atteintes prirent un rythme et une ampleur catastrophiques. L’économie de l’île reposait sur l’exploitation des terres : les premières concessions étaient attribuées gratuitement, avec obligation de les défricher à court terme et de les cultiver (DU TERTRE, 1667-1671). Plusieurs espèces et types de végétation ont probablement ainsi disparus, parfois sans même avoir été connus.

De nos jours, les dégradations liées aux choix d’aménagements et de développements représentent  la plus forte menace pour la flore et la biodiversité dans son ensemble : défrichements pour constructions, ouvertures de routes et de sentiers, activités de sport et de tourisme en pleine nature,…. Parallèlement, l’absence de protection ou de surveillance permet le prélèvement, voire le pillage, d’espèces recherchées pour le commerce ou les activités traditionnelles. Cette très grande vulnérabilité de sa biodiversité fait que la Martiniqueest au centre d’un des 34 hots spots de la biodiversité mondiale : le hot spot des îles des Caraïbes.

Les cotations de l’UICN – Le Livre rouge de la flore menacée aux Antilles françaises  a été publié en décembre 2014 : 221 taxons menacés sont présentés (544 taxons avaient été initialement répertoriés comme diversement menacés). Les cotations ont été attribuées selon les catégories et les critères définis par  l’Union Mondiale pour la Nature (UICN), au cours des premiers travaux de l’élaboration de la Liste Rouge de la flore menacée des Antilles françaises.

Les travaux du CONSERVATOIRE BOTANIQUE DE MARTINIQUE – En estimant la rareté des populations connues aujourd’hui mais aussi leur vulnérabilité, et en tenant compte de leur intérêt patrimonial, le Conservatoire Botanique de Martinique  a fait une première sélection de  327 taxons (558 taxons ont été évalués sur les 1 220 autochtones listés). Cette présélection, qui ne concerne pour l’instant que les arbres, les arbustes et les palmiers, sera une contribution à la prochaine révision de la liste des espèces protégées de Martinique.

Le programme du CONSERVATOIRE BOTANIQUE DE MARTINIQUE comprend une part importante de  prospections pour retrouver les populations des taxons rares, mal connus ou non revus depuis 1975 (époque charnière pour les observations botaniques dans l’île). Les populations  des taxons endémiques seront recherchées en priorité. L’objectif à long terme est d’évaluer  les populations de toutes les espèces autochtones. Des plans de conservation, pour la sauvegarde des populations des espèces patrimoniales les plus menacées, seront mis en œuvre.

La protection des milieux – Le préalable indispensable aux investigations botaniques, est d’assurer la pérennité des milieux qui abritent les plantes rares et menacées, l’objet même des études. La protection des espaces naturels patrimoniaux doit donc être assurée en amont, pour permettre à long terme l’étude et la valorisation du patrimoine végétal de l’île, vocation première du CONSERVATOIRE BOTANIQUE DE MARTINIQUE. Cette préoccupation rejoint celle d’autres institutions qui étudient la flore des Petites Antilles: “ (…) With 70% taxa threatened and 8% potentially extinct, the Lesser Antilles has a flora at a high degree of risk. Now is the time to invest in on-the-ground surveys of the Lesser Antilles to assess the existence of the potentially extinct taxa and to measure population sizes and abundance of the threatened taxa. We urge the 15 countries & territories of the Lesser Antilles to work together on protecting and assuring the survival of this threatened flora. C.M. Sean CARRINGTON, Gary A.KRUPNICK, Pedro ACEVEDO-RODRIGUEZ (2014).

IV. RÉFÉRENCES BIBLIOGRAPHIQUES (voir également la Bibliographie générale)