III. ESPACES NATURELS D’INTERET PATRIMONIAL

 

III. ESPACES NATURELS D’INTERET PATRIMONIAL

A. Intérêt patrimonial

L’intérêt patrimonial d’un espace naturel est estimé à différents niveaux:

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– L’intérêt paysager. La nature volcanique de l’île lui confère des reliefs différenciés que la spécificité tropicale humide pare d’une couverture végétale, elle aussi diversifiée. Aujourd’hui, la forte pression démographique ainsi que les choix de  développement induisent sans cesse de nouveaux aménagements du territoire (logements, routes, unités de production, unités de consommation, unités touristiques …) et les espaces qui sont préservés d’aménagements acquièrent une grande valeur.

 

– L’intérêt floristique. La colonisation et l’économie de plantation  ont ruiné une grande partie des forêts des zones moyennes et basses, tout en  pillant les populations originelles d’espèces arborées intéressantes pour le commerce ou les constructions (les espèces rares). Les cortèges floristiques* autochtones encore présents de nos jours sont donc des témoins très précieux, et les populations relictes* doivent être considérées comme des joyaux, surtout si certains individus ont miraculeusement atteints des dimensions importantes. [Cortège floristique* : ensemble d’espèces ayant des aires de répartition similaires et dont la coexistence caractérisent de ce fait un territoire biogéographique donné (conditions du milieu et stade d’évolution).][Relicte* : espèce ou végétation témoin de populations ou de groupements autrefois plus importants et plus largement répandus sur le territoire, aujourd’hui restreints à un nombre limité de stations, suite aux modifications du milieu.]

 

 

L’intérêt écosystémique. A l’origine, la diversité des microclimats (en relation avec la topographie) ainsi que les particularités pédologiques ont permis l’établissement d’écosystèmes originaux et variés, dont la majorité étaient des forêts. Après quatre siècles  d’exploitations minières* et de défrichements, les écosystèmes non ou peu anthropisés qui subsistent aujourd’hui occupent une surface restreinte et constituent un héritage d’un intérêt supérieur, (carte des paysages actuels).

[Exploitations minières* par les habitants : en particulier avec les scieurs de long qui écrémèrent les essences les plus intéressantes pour la construction, l’ébénisterie, les pièces mécaniques,…]

-L’intérêt dynamique. Un écosystème forestier non perturbé, quel que soit son type plus ou moins humide, est le siège d’une dynamique  évolutive depuis la phase d’installation jusqu’à la phase terminale. Le temps nécessaire pour parvenir à un stade climacique à partir d’un stade pionnier est estimé à un millénaire en zones humides, voire à plusieurs millénaires en zones sèches. Les groupements végétaux caractéristiques des stades dynamiques terminaux des forêts non ou peu perturbées sont d’un intérêt exceptionnel, d’autant qu’ils sont d’une très grande rareté.

 

B. Carte des espaces naturels

 

– Les premières délimitations de la carte des espaces naturels d’intérêt patrimonial de la Martinique ont été effectuées en 2005 (tracé vert).  Cette carte a été établie à partir de données historiques, mais aussi de données plus récentes et contemporaines. (Répertoire bibliographique ; la flore).

  • Les références historiques viennent du dépouillement des ouvrages des premiers chroniqueurs et naturalistes : ANONYME DE CARPENTRAS (1618 -1620) ; BOUTON (1640) ; DU TERTRE (1667) ; LABAT (1722) ; DE CHANVALLON (1763) ; MOREAU DU TEMPLE (1770) ; …
  • Les références plus récentes : DUSS  (1897) ;  LASAULCE  (1901) ; STEHLE (1945) ; PINCHON (1973) ; …
  • Les données contemporaines sont issues des travaux de PORTECOP (1978)  mais surtout des nombreuses prospections de terrain et publications : FIARD (1979, 1994) ; CHAUVIN  (1983) ;  des inventaires des ZNIEFF*, à partir de 1989 (ETIFIER-CHALONO, BERNARD, DEKNUYDT, 2006) ; ROLLET (1993, 2001) ; BERNARD (2001) ; JOSEPH (1997) ; ….. [ZNIEFF *: Zones Naturelles d’Intérêt Ecologique Faunistique et Floristique].

Les inventaires ZNIEFF particulièrement, ont apporté de nombreuses informations nouvelles et surtout des découvertes de nombreuses espèces qui n’avaient pas été signalées pour la Martinique : Jean-François BERNARD, Francis DEKNUYDT, Alain DELATTE, Elisabeth ETIFIER-CHALONO, Jean-Pierre FIARD, Claude JEANNET, Philippe JOSEPH, Michel VENNETIER.

– Des délimitations complémentaires ont été effectuées en 2007 (tracé marron). Ces tracés, non exhaustifs, matérialisent les stations fortement suspectées de présenter un intérêt patrimonial. En raison de leur topographie, de leur isolement et donc de la difficulté d’y accéder, ces stations ont  vraisemblablement subi très peu (voire pas du tout), d’anthropisation : elles sont donc de véritables sanctuaires refuges. L’intérêt patrimonial reste toutefois à conforter par des inventaires. Les récentes prospections effectuées dans ce type de stations sanctuaires mais également dans des stations moins isolées, ont été l’occasion de découvertes d’espèces non encore citées pour la Martinique, mais aussi d’espèces non revues depuis de très longues années (la flore).

 

Répertoire bibliographique concernant la végétation des Antilles Françaises

extrait de «Etude de faisabilité du Conservatoire Botanique National des Antilles Françaises»

(ETIFIER-CHALONO et ROUSTEAU, 1998)

C. Protection des espaces

Dans le cadre de sa mission de sauvegarde du patrimoine végétal de l’île (flore et espaces naturels), le CONSERVATOIRE BOTANIQUE DE MARTINIQUE  (CBMQ  mène depuis 2005 un programme de demandes de mise en protection des espaces naturels d’intérêt patrimonial (Lobelia n°3).

Les procédures administratives étant longues, les protections législatives de ces monuments naturels risquent d’intervenir tardivement, malheureusement parfois après des dommages irréparables, (carte des espaces protégés (DEAL). Il est donc primordial de prendre en compte la carte des espaces naturels d’intérêt patrimonial, même ceux dont l’inventaire n’est pas exhaustif, dans tout projet d’aménagement du territoire et de proscrire dans ces espaces toute intervention supplémentaire.

La préservation des milieux dépend bien sur de la législation, mais elle dépend surtout d’une surveillance efficace associée à une gestion axée sur la valorisation.  A terme ces espaces protégés, et donc soustraits à toute agression anthropique, seront des lieux privilégiés de recherches scientifiques : ils constitueront des  témoins (rares à l’échelle planétaire) de la richesse et de la complexité de la biodiversité tropicale insulaire. La très haute valeur patrimoniale de plusieurs massifs naturels de la Martinique est à l’origine du projet de demande de leur inscription au Patrimoine Mondial de l’UNESCO. Enfin, ces lieux d’exception sont également des atouts économiques hautement compétitifs, particulièrement dans le domaine touristique (randonnée).

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Le défi de la sauvegarde du patrimoine végétal de la Martinique passe par une réelle détermination politique, associée à une prise de conscience et à une réappropriation de ce «trésor»  par tous les habitants.

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IV. RÉFÉRENCES BIBLIOGRAPHIQUES